lundi 31 juillet 2017

Tout ce que les entreprises savent sur vous... à votre insu

Avant même de prendre la route vers une autre ville, Facebook savait que vous en aviez probablement l'intention et il a possiblement déjà communiqué, à votre insu, cette information à des agences de publicité, qui vous proposeront des offres d'hébergement. Et si vos recherches portaient sur la dépression? Que savent les entreprises et que font-elles avec les données qu'elles collectent sur vous?

Bientôt, des citoyens pourraient se faire refuser une indemnisation d’assurance en raison des sujets qu’ils ont regardés ou lus sur le web, selon Michel Juneau-Katsuya, expert en sécurité nationale.

L’avertissement semble sortir d’un film de science-fiction. Pourtant, le phénomène de la publicité comportementale gagne du terrain sur le web, ce qui menace la protection de la vie privée selon des experts.

Cette publicité utilise les intérêts d'une personne pour lui proposer des offres publicitaires en lien avec ce qu’elle regarde en ligne.
Ça prend à peu près 10 j'aime sur Facebook pour avoir un profil de votre personne, ça en prend à peu près 200 pour connaître votre adresse personnelle. Michel Juneau-Katsuya, expert en sécurité nationale
Vous partagez en toute connaissance de cause votre âge ou votre lieu de résidence sur Internet, mais ce que les entreprises réussissent désormais à déduire à votre sujet va bien au-delà de ce que vous leur donnez.

Par exemple, quand vous comparez le prix des bâtons de hockey de deux magasins en ligne, même si vous n’en achetez aucun, il est possible de savoir combien de temps vous avez passé sur chaque page, chaque article, et même si vous l’avez mis dans votre panier d’achats.

Quand vous félicitez une amie pour la naissance de son enfant en commentant la photo qu’elle a publiée, vous ne le réalisez peut-être pas, mais vous indiquez un intérêt probable pour les enfants qu’il est possible de combiner avec l’endroit où réside votre amie.

Chacun de vos clics est enregistré légalement par des entreprises, qui les utilisent pour créer des profils anonymes d’individus. Est-ce vraiment anonyme? On peut lire sur le site du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada ( CPVPC) que les « données parfois présumées comme étant anonymes peuvent être associées à nouveau à une personne en particulier, et ce, avec une certaine facilité ».

Sur cette autoroute de l’information où nous devons désormais circuler, c’est un peu comme si en sortant de la maison, nous devions non seulement barrer la porte, mais aussi effacer nos traces de pas.

Des entreprises achètent vos informations

Les entreprises développent des algorithmes qui permettent de croiser des tonnes d’informations afin d’établir des profils d’individus. Ces informations valent de l’or, elles sont même devenues un produit.
Il y a des sites web qui font plus d’argent en vendant leurs données qu’en vendant leur produit réel. Jonathan Poliquin, associé chez Natifs, firme spécialisée en stratégie numérique
Parmi le nombre incalculable d’entreprises en ligne, Facebook et Google se distinguent de par leur taille. Facebook compte désormais plus de deux milliards d’utilisateurs. Ces deux géants du web affirment ne pas vendre les informations de leurs utilisateurs et ne pas permettre le ciblage d'un individu en particulier; la publicité doit toujours s’adresser à un groupe.

Cependant, il arrive que des compagnies publicitaires s'écartent. L’idée d’écrire à ce sujet vient d’ailleurs d’une expérience personnelle. Il vous est peut-être déjà arrivé de voir une publicité qui vous semblait un peu trop personnalisée? Celle qui utilisait mon nom de famille a attiré mon attention.

Est-ce permis de cibler en utilisant le nom de famille, même si nous avons consciemment partagé cette information publiquement? Facebook Canada nous répond non et encourage les utilisateurs à rapporter les publicités jugées trop intrusives pour corriger la situation.

Le réseau social Facebook permet à ses abonnés de savoir pourquoi ils voient une publicité ou à quel groupe ciblé ils appartiennent. ll suffit d'utiliser le menu déroulant de la publicité et de sélectionner « Pourquoi vois-je ceci? ».

Aux États-Unis, l’accès aux données personnelles est encore plus marqué selon Jonathan Poliquin, associé chez Natif, une firme spécialisée en stratégie numérique.

« Aux États-Unis, Facebook est associée avec les cartes de crédit, alors on peut vraiment savoir le rythme de vie de la personne, si on veut cibler des gens qui gagnent 100 000 $ et plus, qui ont une maison, on peut aller jusque là », explique-t-il.

Une information que Facebook confirme, en mentionnant que cette pratique n’est pas permise au Canada.

Google a répondu à notre courriel en rappelant tout ce qui est à la disposition des utilisateurs pour protéger leur vie privée : modifier les paramètres de confidentialité, consulter les données associées à leur compte, supprimer des éléments ou encore utiliser la navigation privée.
On est content d’avoir Facebook gratuit, on est content d’avoir Google gratuit, mais la réalité c’est qu’il y a un prix à payer et le prix à payer est une invasion de votre vie privée. Jacques Nantel, professeur émérite au département de marketing à HEC Montréal
La publicité comportementale est en croissance; elle représente désormais près de 40 % du marché publicitaire,selon Jacques Nantel, professeur émérite au département de marketing à HEC Montréal.

Elle ne risque pas de diminuer, selon lui, car il y aura toujours des gens prêts à signer un consentement, sans même le lire.

Que dit la loi?

Très peu de lois encadrent ces pratiques, selon Michel Juneau-Katsuya. « Le gouvernement canadien est frileux à l’idée d’intervenir. On veut laisser le commerce faire comme il veut. »

Le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada n’a effectivement pas beaucoup de pouvoir comparativement à d’autres pays, selon Vincent Gautrais, professeur à la faculté de droit de l’Université de Montréal.

Il négocie plus qu’il ne sévit, selon lui, mais arrive à des ententes avec les entreprises. Vincent Gautrais rappelle par contre que le Bureau de la concurrence est déjà intervenu en imposant des amendes salées.

Des entreprises comme Google ont intérêt à éviter de devoir négocier avec le Commissariat, croit-il, car « l’atteinte réputationnelle est souvent plus contraignante que l’aspect pécuniaire » dit-il.

Dénoncer le manque de transparence
Vous n’avez même pas une connaissance complète de ce que l'on a sur vousMichel Juneau-Katsuya, expert en sécurité nationale
L’enjeu? Les experts souhaitent plus de transparence de la part des entreprises, pour permettre aux citoyens de connaître les informations qu’elles détiennent sur eux.

Michel Juneau-Katsuya sonne l’alarme en affirmant que le Canada a des années de retard pour protéger ses citoyens, alors que la « quantité de métadonnées à l’heure actuelle est phénoménale et que tous les jours on est obligé de circuler sur le web ».

Il faudrait, pour se protéger, cesser d’utiliser Internet. Est-ce plausible en 2017?

Les lois en place devraient être revues, selon le professeur Vincent Gautrais.
On doit confronter cette nouvelle réalité avec des vieux textes, qui ont été prévus à une époque où Internet n’existait même pas dans nos pensées. Vincent Gautrais, professeur à la faculté de Droit de l’Université de Montréal
Selon lui, le droit est « un peu flou » à certains égards et il faudrait savoir davantage ce que les entreprises font avec nos données pour « donner des armes aux surveillants », en l'occurrence, le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada (CPVPC) et le Bureau de la concurrence du Canada.

Solutions?

La Commission d’accès à l’information du Québec est aussi préoccupée par la protection des renseignements personnels à l’ère numérique.

Dans son rapport publié en 2011, elle invite le législateur à s’interroger sur l’interdiction potentielle du profilage des jeunes dans les environnements électroniques.

On estime que les internautes ne sont pas nécessairement conscients de la collecte qui est faite à leur sujet et des actions qu’ils doivent poser pour s’y opposer, par exemple refuser la géolocalisation ou encore effacer les fichiers témoins, cookies, à la fin de la navigation.

Pour écrire cet article, nous avons fait plusieurs demandes d’entrevue auprès du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, qui n’a donné suite à aucune d’entre elles.

Cet article a été produit dans le cadre d’une série intitulée Perspectives, proposée par Radio-Canada Mauricie-Centre-du-Québec.

Source:
http://www.msn.com/fr-ca/actualites/science-et-techno/tout-ce-que-les-entreprises-savent-sur-vous-%C3%A0-votre-insu/ar-AAp9xqo?li=AAgh0dy&ocid=mailsignout

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